C'est sans doute l'option la plus tentante quand on veut refaire ses sols : poser le nouveau carrelage directement sur l'ancien. Sauf que dans la majorité des cas, cette technique est une fausse bonne idée. Surépaisseur, fissures, décollements, humidité : les risques sont nombreux — et souvent invisibles. Pire : dans certains cas, elle peut fragiliser la structure même du bâtiment. Pour autant, il serait réducteur de la condamner purement et simplement. Car avec les bonnes conditions et un savoir-faire rigoureux, elle peut se révéler redoutablement efficace. On vous explique tout ce qu'il faut savoir avant d'y (ou de ne pas y) avoir recours.
Poser du carrelage sur l'ancien : quels risques méconnus
Ouvrons le bal sans détour : la pose de carrelage sur carrelage, ce n’est pas la ruse géniale vantée dans les dîners en ville, mais un casse-tête d’ingénieur où la moindre négligence se paie cash. Oui, vous pouvez superposer, mais est-ce vraiment l’option miracle ou simplement une invitation au chaos décoratif ? Décortiquons les vrais risques, ceux dont personne ne parle entre deux devis.
La surépaisseur : ce millimètre qui bloque les portes et perturbe l'harmonie
Peut-on sérieusement ignorer qu’ajouter du carrelage sur un support existant revient à tricher avec les lois élémentaires de la géométrie intérieure ? Comptez vite : entre la colle flex et un carreau standard (8 à 10 mm), c’est allègrement 12 à 15 mm de perdus. Pas grand-chose sur le papier, grotesque dans la vraie vie – demandez à votre menuisier préféré.
- Portes intérieures : elles frottent, coincent ou refusent tout simplement de fermer. Rabotages obligatoires (avec bonus copeaux).
- Plinthes : décalage immédiat, effet « marche d’escalier » garanti si vous n’êtes pas du genre à tout refaire jusqu’au plafond.
- Seuils de porte : différence de niveau grotesque entre pièces rénovées et autres, véritable anti-plaisir visuel.
- Équipements encastrés : adieu l’élégance des douches italiennes affleurantes ou le minimalisme sous les meubles bas…
Le détail qui change tout ? Vous aviez oublié le coût additionnel du menuisier pour ajuster portes et huisseries. Avouons-le : ce centimètre supplémentaire est plus coûteux que prévu.
Le syndrome du château de cartes : quand le support manque de stabilité
J’ai vu plus d’un propriétaire éberlué devant un carrelage flambant neuf qui cloque ou sonne creux après six mois. Pourquoi ? Parce qu’ils ont cru au mythe de la surface « assez bonne » pour accueillir une nouvelle couche. Or, le nouveau carrelage ne sera JAMAIS plus solide que celui d’en dessous. J’insiste : c’est l’équivalent exact de coller un autocollant de luxe sur une carrosserie rouillée.
La méthode imparable ? Le sondage. Munissez-vous du manche d’un tournevis (ou d’un maillet pour les puristes) et tapotez chaque carreau : s’il sonne creux, il bougera tôt ou tard. Un seul carreau défaillant sous votre chantier… et c’est toute la stabilité qui vacille.
Si le carrelage initial n’est pas parfaitement sain et adhérent, il faut renoncer à l’idée de superposer : cela constitue un risque esthétique et structurel majeur.
L'humidité, un ennemi silencieux entre deux couches
Là, je parle aux sceptiques persuadés que deux couches valent mieux qu’une dans leur salle de bain landaise. Le danger sournois ? Une micro-fissure dans l’ancien jointoiement – invisible à l’œil nu – laisse passer l’humidité, laquelle s’accumule gentiment ENTRE les deux couches de carrelage. Résultat ? Moisissures insidieuses, odeurs suspectes et dégâts structurels redoutables. Le pire : on ne voit rien avant qu’il ne soit trop tard.
Dans les Landes comme ailleurs, j’ai vu des salles d’eau littéralement gangrenées par ces infiltrations incognito… Prendre ce risque relève franchement du masochisme décoratif.
Le poids des années et des carreaux : un risque pour la structure
Dernier point – hélas trop souvent évacué d’un revers désinvolte – le poids cumulé des deux strates ! Un carrelage standard (avec colle), c’est déjà 20-30 kg/m² supplémentaire. Ajoutez cela à un plancher ancien : êtes-vous sûr·e que votre structure accepte cette coquetterie sans broncher ? Sur certains chantiers anciens mal dimensionnés, cette surcharge transforme votre nid douillet en cauchemar porteur… Peut-on sérieusement contourner les lois élémentaires du bâtiment juste pour gagner trois jours de poussière ?
Avouons-le : parfois, ce fameux "gain" cache surtout une facture différée et bien plus salée.
Carreler sur l'existant : conditions strictes pour réussir
Peut-on sérieusement se lancer dans la pose sur pose sans vérifier, disséquer et recaler la moindre imperfection de l’ancien sol ? Je me permets d’en douter. Ceux qui s’imaginent que "ça passe partout" n’ont visiblement jamais entendu parler du DTU ni eu la joie de refaire une salle de bain deux fois en cinq ans. Voici donc la vérité brute : le diagnostic du support est LE passage obligé. Vous pensez y couper ? Grave erreur.
Le diagnostic du support : vérifier l’état de l’ancien carrelage
Voici la checklist rigoureuse à respecter, sans exception :
- Planéité : placez une règle de 2 mètres sur toute la surface. L’écart ne doit pas dépasser 5 mm ; sinon, un ragréage est nécessaire. Toute tolérance est à éviter.
- Adhérence : aucun carreau ne doit sonner creux sous le manche du tournevis. En cas de doute, il faut déposer et remplacer.
- Propreté absolue : un support gras ou poussiéreux compromet la pose. Décrassage, dégraissage et séchage doivent être parfaits.
- Porosité maîtrisée : effectuez le test de la goutte d’eau : si elle perle et roule, c’est parfait ; si elle s’absorbe ou fait tâche, un primaire d’accrochage est indispensable.
Si l’un des critères ci-dessus n’est pas respecté, la superposition rapide n’est pas envisageable : chaque défaut sera amplifié sous le nouveau revêtement.
Le choix du nouveau carrelage : quels critères pour superposer ?
Il existe deux catégories : les rêveurs et ceux qui préfèrent la tranquillité. Pour limiter l’effet d’épaisseur supplémentaire disgracieux, choisissez un carrelage slim (épaisseur entre 3 et 6 mm), idéal pour réduire le surplomb et éviter un aspect massif, surtout sur plancher intermédiaire.
En revanche, évitez les solutions lourdes comme le travertin massif (épais et lourd) ou les formats XXL, qui sont sensibles aux défauts du support. Plus le carrelage est grand et lourd, plus le risque de décollage ou de fissuration augmente en cas d’erreur initiale.
Anecdote : j’ai vu un salon carrelé façon « palais vénitien » dont le plancher s’est voûté après seulement deux hivers, faute de respecter ces règles essentielles.
Sol et mur : des exigences différentes
Il ne faut pas assimiler les contraintes du sol à celles du mur. Le sol subit le poids des meubles et un trafic constant, nécessitant un support très stable pour éviter les cassures et les plaintes du voisin du dessous. Au mur, le moindre doute sur l’adhérence ou la compatibilité colle/surface peut entraîner des chutes spectaculaires, parfois dès la première année.
Pour les murs difficiles, utilisez un mortier-colle hautement déformable (C2S1 minimum) et appliquez un double encollage dès que les formats dépassent les petits carreaux. La plupart des échecs spectaculaires que j’ai observés provenaient de murs refaits à la va-vite par des bricoleurs trop confiants.
La méthode en 3 étapes clés pour réussir la pose sur ancien carrelage
Peut-on sérieusement croire que la pose sur pose est une affaire de hasard ? Chaque étape que je vais détailler ici — sans exception — est un verrou de sécurité. Ignorez-en une seule, et vous voilà bon pour les rires jaunes à chaque grincement sous votre sol refait. Avouons-le : 90% du succès, c’est la préparation.
Étape 1 : La préparation, clé d’une surface parfaite
C’est là que tout se joue. Les rêveurs pressés passent à côté ; les vrais pros s’attardent. Voici comment faire :
- Dégraissage méticuleux : utilisez un dégraissant puissant ou de l’acétone (avec gants et aération), jusqu’à élimination totale des traces brillantes ou grasses. La poussière est également un danger.
- Ponçage léger mais rigoureux : rayez mécaniquement la surface émaillée de l’ancien carrelage avec une ponceuse vibrante ou un abrasif grain moyen. L’objectif est de casser la brillance qui empêche une bonne accroche.
- Primaire d’accrochage : appliquez généreusement un primaire spécial supports fermés (exemples : PRB Primaire Époxy, Parexlanko Prim Go). Ces produits préparent le sol pour une adhérence optimale. Omettre cette étape compromet le chantier.
Le détail important : laissez sécher le primaire selon les recommandations du fabricant, même si la patience est mise à rude épreuve.
Étape 2 : Choix du mortier-colle et outillage adapté
Il est indispensable d’utiliser un mortier-colle flex C2S1 minimum (exemples : Mapei Keraflex Extra S, Parexlanko Prolipro C2S1, Weber.col flex) pour absorber les micro-mouvements entre les deux couches.
- Pour les formats supérieurs à 30x30 cm, le double encollage est obligatoire : colle sur le support et sur le dos du carreau, garantissant une adhérence optimale.
- Utilisez une spatule crantée adaptée (au moins 8x8 mm pour les grands carreaux).
Anecdote : j’ai vu un salon XXL où les carreaux « flottaient » après trois mois, faute de double encollage. Négliger cette étape revient à payer cher pour un sol instable.
Étape 3 : Pose et jointoiement : la précision indispensable
Il est essentiel d’éviter les poses aléatoires. Pour garantir une planéité parfaite :
- Commencez par le centre exact de la pièce, en utilisant un mètre laser et un cordeau.
- Employez des croisillons autonivelants pour prévenir vagues et ressauts.
- Respectez la largeur minimale des joints, généralement 3 mm au sol.
- Réalisez les joints le jour même avec des produits adaptés (exemple : weber.joint intégral) pour garantir étanchéité et esthétique.
Un joint mal réalisé compromet l’étanchéité, favorisant dégâts et désordres importants.
Le détail important : prévoyez un joint périphérique souple (5 à 8 mm), particulièrement sur les vieux supports susceptibles de bouger, afin d’éviter que chaque seuil ne devienne un point faible.
Alternatives élégantes à la pose sur ancien carrelage
Penser que la superposition est la seule solution manque d’audace. Plusieurs options esthétiques et pratiques permettent d’éviter l’effet mille-feuilles sous vos pieds, sans forcément casser l’existant. Voici un aperçu des alternatives :
- Peinture spéciale carrelage : un lifting express mais fragile. Application rapide avec une large palette de couleurs, idéale sur mur fatigué. En revanche, au sol, la durabilité est limitée, la moindre rayure laissant une marque visible.
- Béton ciré ou résine : un style industriel esthétique mais technique. Recouvre l’ancien carrelage pour une finition monolithique tendance. Cependant, toute erreur de pose est coûteuse (surface poreuse, bulles), déconseillée aux débutants.
- Sols vinyles/PVC clipsables : une solution réversible et confortable. Imitations bois ou pierre très réalistes, installation rapide sans bruit ni poussière. Attention toutefois à la planéité du support, sous peine de voir les joints apparaître par transparence.
- Dépose complète : l’option la plus sûre pour un résultat parfait. On enlève l’ancien carrelage, on évacue, et on repart sur une base saine. C’est long, salissant et coûteux, mais c’est la seule garantie contre les mauvaises surprises.
Le détail important : choisir une alternative peut transformer une pièce sans que l’on devine la présence d’un ancien carrelage en dessous.
Superposer ou repartir à zéro : un avis tranché
Vous attendez peut-être un discours rassurant ? Ce ne sera pas le cas. Après avoir étudié de nombreux cas de carrelage posé sur ancien carrelage, il apparaît que cette solution n’est pas un raccourci fiable. La pose peut sembler rapide, mais sur le long terme, aucun professionnel sérieux ne la recommande sans une préparation rigoureuse. Quant à la durabilité esthétique, elle reste incertaine.
« Le pire défaut n’est pas une fissure, mais une modification acoustique subtile, transformant la pièce en un tambour creux, rappelant constamment le vide entre les deux couches. »
Mon ami Christophe, architecte à Clermont-Ferrand, m’a partagé son expérience : une pièce rénovée avec soin, mais dès qu’on marchait dessus, le sol sonnait creux. La pièce était devenue une caisse de résonance, chaque pas rappelant le vide entre les couches. Peut-on vraiment parler de réussite esthétique en sacrifiant le confort acoustique ?
L’élégance en rénovation ne réside pas dans la facilité ou la précipitation, mais dans la rigueur, la patience et l’exigence — ou dans le choix de ne pas agir précipitamment.
